Aberrant !!!!!!!!
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Aberrant !!!!!!!!
TUEZ-VOUS REGLEMENTAIREMENT !
C’est ce qu’il ressort de la décision de justice, décidée par le tribunal de grande instance d’Albertville, dans le dossier de Tomaz Kastelic, ce pilote slovène qui, après avoir subi deux fois du givrage en survolant l’Italie à destination d’Albertville à la fin 2010, a décidé - en rencontrant des conditions similaires après le passage des Alpes - de se dérouter sur Courchevel plutôt que de poursuivre vers son terrain de destination, à plus basse altitude et surtout noyé dans la crasse… Le chef-pilote de l’aéro-club de Courchevel avait tenté de son côté, peu auparavant, d’aller à Albertville, ce qui ne put être le cas car le terrain était inaccessible en VFR, noyé dans le brouillard. CQFD.
Dans un pays où l’administration de l’Aviation civile serait cohérente, il faudrait féliciter le pilote slovène pour sa prise de décision, la gestion d’une situation qui aurait pu être critique, avec un bon jugement, une prise de décision et, au final, un équipage et un avion sains et saufs au sol. Mais voilà, nous sommes en… France, avec une accidentologie nettement moins bonne que celles des autres pays aéronautiques (USA, Allemagne, Grande-Bretagne) et on voudrait encore donner des leçons à des pilotes étrangers et à la Terre entière ! On a inventé l’aviation, c’est vous dire !
Avec un agent paramètre à Courchevel qui prévient aussitôt la brigade de la gendarmerie de l’Air, avec trois jours passés pour les fêtes de fin d’année au commissariat afin de répondre à de multiples questions, une chose est sûre : le pilote a peu de chance de revenir en France. Il aura vite compris l’approche et le niveau du «système aéronautique français» et une décision de justice qui préfère la répression à la pédagogie.
Le pilote slovène ayant déjà voyagé en avion léger dans de nombreux autres pays européens, il aura aussi compris la différence de qualité dans les services d’information en vol, les lacunes de la gendarmerie de l’Air (les gendarmes sont été incapables d’aligner deux mots d’anglais, imposant la venue d’une interpréte au commissariat…) sans oublier la bureaucratie de l’administration française : après avoir parcouru 900 km en voiture pour venir au tribunal, il a entendu les juges souhaiter repousser la séance à une autre date ! Finalement, la séance sera bien tenue le jour prévu de la convocation…
Passons sur l’agent paramètre qui pense avoir vu un crash évité de justesse, récit qui n’a rien à voir avec celui du pilote slovène. Passons sur le compte-rendu de séance publié par le quotidien régional qui n’en est plus à une imprécision près. Le Dauphiné Libéré, dans son édition du 25 mai dernier, évoque en effet un «contrôleur aérien» à la place d’un simple agent Afis mis en place par la municipalité de Courchevel. Le journal indique un «bimoteur de type Cessna» alors que le pilote est venu en Cessna 172 !
Passons sur la procureur de la République qui n’a pas posé une seule question au pilote et l’on comprend bien que ce dossier dépassait les compétences du milieu judiciaire. Ce dossier aurait tout au plus dû finir en commission de discipline en Slovènie mais certainement pas dans les arcanes de la justice française, déjà débordée par des affaires mettant nettement plus en jeu les intérêts publics et ne brillant déjà pas par sa célérité à clôturer d’autres dossiers plus cruciaux.
Passons sur la DSAC locale qui bloque l’avion au sol faute de pouvoir consulter le carnet de route, document qui n’existe pas dans la réglementation slovène, pas plus que dans celle d’autres pays pas forcément en retard du point de vue aéronautique mais la DGAC doit penser que sa réglementation est la seule possible dans le monde. Découvrant enfin que la réglementation française ne s’applique pas aux avions étrangers, la DSAC a lâché le morceau car l’avion respectait bien les obligations réglementaires européennes.
Mais elle a imposé au pilote d’embarquer un instructeur montagne pour le décollage du retour alors que le pilote souhait faire une directe Courchevel-Slovènie. Quel instructeur aurait pu accepter de faire cela pour se retrouver en Slovénie ? Quel instructeur aurait même accepté de décoller à bord pour se faire déposer à quelques dizaines de kilomètres du terrain de départ. La DSAC a t-elle pensé à son rapatriement où cette obligation a été pensée dans un bureau uniquement pour empêcher le pilote de repartir en avion - tout en sachant que les risques au décollage d’un altiport sont nettement moindres que ceux encourus lors de la manoeuvre d’atterrissage. Heureusement, le pilote - entre deux interrogatoires - a réussi à passer sa qualification de site et il a donc pu repartir sans avoir à embarquer un instructeur…
Cette affaire a fait l’objet d’un article de 4 pages dans le dernier numéro de Piloter (n°29, juillet-août) où nous relatons la séance au tribunal de grande instance d’Albertville, avec une présidente qui, à l’audience, ne comprend pas que le risque de givrage varie avec la température et donc l’altitude, qui confond terrain non contrôlé et terrain restreint malgré les explications du pilote et de son avocat. La justice française croyant tout savoir en matière aéronautique, il faut croire que le théorique PPL fait partie du cursus de formation des juges !
Au final, le verdict a été donné ce 4 juillet. La requête en nullité de la procédure, demandée par l’avocat du pilote, a été rejetée et le pilote déclaré… coupable. En conséquence, une amende délictuelle de 3.000 euros devra être payée, complétée de deux amendes contraventionnelles de 100 et 38 euros.
La morale de l’histoire se trouve dans le titre : pilotes français, et aussi pilotes européens de passage dans notre pays à la culture si aéronautique (!), ne prenez pas vos responsabilités de commandant de bord, ne réfléchissez pas, ne prendez aucune décision… Laissez faire le destin, ne gérez pas les paramètres, oubliez la météo ! En cas de problème, poursuivez tout droit, descendez dans l’entonnoir qui mène à l’accident. Tuez-vous mais tuez-vous réglementairement ! L’administration française vous en sera gré.
Et la DGAC pourra ainsi refaire en grandes pompes, comme ce fut le cas fin 2009, un colloque à destination des pilotes de l’aviation légère avec pour thème la prise de décision ! Et elle éditera des affichettes avec des conseils à ne surtout pas suivre ! Et les pilotes inspecteurs de l’administration pourront vous indiquer qu’il faut savoir prendre des décisions, évaluer des scénarios, avoir toujours une «porte de sortie», voire pouvoir déroger aux règles de l’Air si votre sécurité est en jeu, vous conseiller de vous poser dans un champ si c’est la seule solution plutôt que de poursuivre dans l’erreur. Ne les écoutez surtout pas ! Poursuivez dans l’erreur, jusqu’à l’accident !
Et ainsi l’accidentologie française (de l’aviation générale à l’aviation commerciale tout autant concernée…) ne s’améliorera pas, avec une administration qui préfère la répression à la pédagogie, qui dit A d’un côté pour se faire bien voir et qui fait Z dans la pratique. En un mot, qui perd une fois de plus sa crédibilité.
Cette décision de justice est en effet très grave pour l’avenir. Un message fort a été envoyé à la communauté aéronautique. La sanction infligée, au-delà du cas personnel de Tomaz Kastelic, va dans la direction opposée à celle souhaitable. Et c’est ainsi que la France restera une grande nation aéronautique ! Enfin, certains le croient toujours mais certainement pas les experts en accidentologie, en gestion des risques, que cela soit dans le domaine aéronautique ou non… Eux savent que l’on fait fausse route.
Vous l’avez lu, hélas, sur www.pilotermag.com
Dom- Nombre de messages : 1508
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Date d'inscription : 15/09/2008
Tout est dit
Je reviens des Etats-Unis ce matin... Le contraste est pour le moins saisissant.
Flying Nanard- Nombre de messages : 666
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Localisation : Ch'ai pu bien
Emploi/loisirs : Assècheur de masse d'air
Date d'inscription : 14/12/2008
Re: Aberrant !!!!!!!!
J'imagine bien le même genre d'épisode avec le survol d'une centrale nucléaire dans la vallée du Rhône en cas de MTO dégradée...
C'est un peu la limite de l"appareil judiciaire. Ils sont là pour évaluer le respect ou pas des règles mais pas les conséquences des actions jugées.
C'est un peu la limite de l"appareil judiciaire. Ils sont là pour évaluer le respect ou pas des règles mais pas les conséquences des actions jugées.
Philippe Rozo- Admin
- Nombre de messages : 712
Age : 63
Localisation : La plus belle ville du monde
Date d'inscription : 15/09/2008
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